L’infirmière Véronique Larouche et le docteur Jean-Philippe Blais collaborent dans les activités de la compagnie E_liv, qui se consacre presque uniquement à l’hormonothérapie depuis les derniers mois. Avec la diffusion du documentaire Loto-Méno, la clinique croule sous les demandes de partout au Québec. (STÉPHANE LESSARD/STÉPHANE LESSARD)
CHRONIQUE / «L’hormonothérapie, ce n’est pas une mode de passage. C’est quelque chose dont on aurait dû se préoccuper depuis tellement longtemps.»
Véronique Larouche scrute ses dossiers qui sont empilés sur son bureau. L’infirmière clinicienne spécialisée en périnatalité à Trois-Rivières n’en revient pas encore de constater l’ampleur du phénomène entourant les problèmes liés à la ménopause et la périménopause. La spécialiste qui avait fondé sa propre entreprise, E_liv, en accompagnement périnatal il y a dix ans, a été littéralement soufflée par les révélations faites lors de la diffusion du documentaire Loto-Méno de Véronique Cloutier et la récente émission Enquête de Radio-Canada.
Depuis le mois de janvier, Véronique Larouche a choisi de se consacrer presque uniquement à la question des hormones féminines. Et elle croule littéralement sous les demandes de partout au Québec, même jusqu’à Lebel-sur-Quévillon.
«En voyant le documentaire, je me suis retrouvée face à une détresse que je ne connaissais pas. On n’en parle nulle part. J’ai fait un DEC, un baccalauréat et une maîtrise en soins infirmiers, je me suis spécialisée en périnatalité. J’ai travaillé toute ma vie avec des femmes, mais on ne nous a pas mis au fait de cette souffrance des femmes en ménopause. Comme si ça devait juste être un passage obligé», résume-t-elle.Face à ces révélations, la spécialiste a poussé plus loin ses recherches et sa soif de savoir. Elle est également allée suivre des formations, notamment avec Dre Sylvie Demers, dont l’expertise en hormones bio-identiques est reconnue partout en province, et qui a aussi participé au documentaire Loto-Méno et au reportage d’Enquête.Véronique Larouche a aussi pu s’adjoindre l’aide du docteur Jean-Philippe Blais, médecin généraliste spécialisé en périnatalité, qui a accepté de devenir médecin-collaborateur chez E_liv. Ensemble, depuis le mois de janvier, ils tentent du mieux possible d’aider les femmes qui crient à l’aide depuis plusieurs années, mais que visiblement une partie du corps médical n’entend pas.
Pourquoi leurs appels demeurent sans réponse? Il faut remonter à 2002 pour le comprendre, avec la publication d’une vaste étude de la Women’s Health Initiative (WHI), qui a conclu à un risque accru de développer le cancer du sein avec l’hormonothérapie. L’étude WHI avait fait grand bruit à l’époque, et le milieu médical est devenu très frileux face à l’hormonothérapie. Si bien que la question a même été éludée des formations médicales.
«J’ai débuté ma médecine en 2004, et jamais on ne nous a exposés à ça. Il y a un grand manque dans la formation présentement, et on sent encore que l’étude WHI a des effets, même 20 ans après», constate le Dr Blais.
J’ai débuté ma médecine en 2005, et jamais on ne nous a exposés à ça. Il y a un grand manque dans la formation présentement, et on sent encore que l’étude WHI a des effets, même 20 ans après.
Or, des femmes en ménopause et périménopause continuent de souffrir de divers symptômes : sautes d’humeurs importantes, douleurs, perte de la libido, sécheresse vaginale, irritabilité, troubles du sommeil, pertes de mémoire, anxiété, état dépressif, et j’en passe.
«Les femmes qui arrivent ici, elles crient littéralement à l’aide. Elles veulent des réponses et n’arrivent pas à en avoir parce que les spécialistes qu’elles ont vus n’ont soit pas voulu prendre la demande en charge, ou encore ont prescrit des hormones mais sans en faire le suivi. Il y a quelque chose de tabou, on dirait», constate Véronique Larouche.
La clinique commence de plus en plus à se faire connaître, si bien que ces jours-ci, ce sont de 15 à 20 demandes par jour qui entrent chez E_liv. Les plages horaires sont toutes comblées jusqu’à la fin du mois de juillet. Cette semaine, des femmes de Lebel-sur-Quévillon et Rouyn-Noranda ont fait la route jusqu’à Trois-Rivières pour venir profiter du service de la clinique.
Car contrairement aux cliniques entièrement privées, E_liv propose une autre forme de fonctionnement. Le travail initial et la prise en charge de la patiente se feront par l’infirmière. En téléconsultation, c’est elle qui entendra d’abord la détresse de la patiente, pour ensuite faire la collecte de données et l’évaluation clinique des symptômes. Ensuite, elle en discutera avec le médecin collaborateur, qui donnera la conduite pour la suite des choses, soit la tenue d’un calendrier des symptômes et de bilans hormonaux. Lorsque les résultats sont reçus, juste à ce moment-là, la patiente sera vue par le médecin en consultation couverte par la RAMQ. Au besoin, c’est à ce moment qu’il pourra prescrire le traitement approprié.
«C’est une pleine utilisation du champ de pratique de l’infirmière. Ça devrait toujours être comme ça dans le milieu médical, c’est ce qu’on revendique depuis tellement d’années. Ça rend le travail encore plus efficient, sans pour autant élever les coûts pour la patiente. Le but, c’est de soulager les femmes avant tout. C’est ça qui nous motive en premier lieu», considère Véronique Larouche.
«Les femmes qui contactent E_liv, elles ne veulent pas systématiquement qu’on leur prescrive des hormones. Ce qu’elles veulent, c’est être entendues, écoutées et de pouvoir obtenir des réponses. Si elles n’ont pas de réponse, c’est là qu’il y a de la détresse. Il arrive bien souvent que les bilans hormonaux nous démontrent que ce n’est pas d’hormones dont elles ont besoin, et c’est correct. Au moins elles en ont le coeur net», constate Jean-Philippe Blais.
Ce dernier est d’ailleurs convaincu qu’avec la diffusion de Loto-Méno et du reportage d’Enquête, c’est une véritable boîte de Pandore qui a été ouverte et qu’on ne pourra plus refermer aussi facilement. Et c’est tant mieux pour les femmes qui ont enfin l’impression d’être entendues.
«Pendant longtemps, on a traité ces femmes-là avec des antidépresseurs, des antipsychotiques et des somnifères, avec tous les coûts que ça engendre pour la société. On a écarté la question des hormones en raison de l’étude WHI et de la crainte du cancer du sein. Mais ça, c’est l’éléphant dans la pièce, parce qu’on a aussi écarté tous les bienfaits associés aux hormones», considère Jean-Philippe Blais.
Si les résultats de l’étude WHI démontrent une hausse des cas de cancer du sein de 0,8 cas de plus par 1000 femmes avec la prise d’hormones, on semble avoir écarté le fait qu’elles ont aussi permis la réduction de 30 % du taux de mortalité pour cause de maladies cardiovasculaires chez les femmes, note en exemple le Dr Blais.
«On ne peut pas continuer de traiter ces symptômes à coup d’antidépresseurs, alors que les femmes arrivent dans une période pleine de potentiel de leur vie, où elles sont encore très actives, où elles devraient pouvoir s’épanouir. Est-ce qu’on veut les éteindre? Ou est-ce qu’on préfère qu’elles soient heureuses», se questionne Véronique Larouche.
Pour les deux spécialistes, la RAMQ n’aura probablement bientôt plus le choix que de considérer le remboursement des hormones bio-identiques, qui sont les plus sécuritaires pour cette clientèle. «C’est déjà gratuit pour les hommes, pourquoi ce ne le serait pas pour les femmes? On couvre les frais liés au traitement du diabète, pourquoi on ne pourrait pas couvrir ceux liés aux hormones bio-identiques? À mon avis, ils n’auront pas le choix parce que les femmes n’accepteront plus de ne pas être entendues», affirme Jean-Philippe Blais.
D’ailleurs, Véronique Larouche souhaite aussi qu’on démystifie les coûts liés à un tel traitement, qui peut aller de 75 $ à 100 $ par mois. Parfois l’équivalent de ce qu’on peut payer en franchise pour les antidépresseurs, constate Dr Blais. «Ce ne sont pas des coûts astronomiques. Mais pour certaines femmes, c’est un montant qui a un énorme impact sur leur budget», constate Véronique Larouche.
Outre le suivi des patientes, les collaborateurs souhaitent prochainement se consacrer à la formation et la rédaction d’articles scientifiques permettant une plus grande diffusion du savoir entourant les hormones bio-identiques. Dans un monde idéal, E_liv souhaite étendre ses activités en s’adjoignant les services d’autres collaborateurs, pour créer une véritable communauté de soins et permettre à encore plus de femmes d’être prises en charge.
Depuis le mois de janvier, Véronique Larouche a choisi de se consacrer presque uniquement à la question des hormones féminines. Et elle croule littéralement sous les demandes de partout au Québec, même jusqu’à Lebel-sur-Quévillon.
«En voyant le documentaire, je me suis retrouvée face à une détresse que je ne connaissais pas. On n’en parle nulle part. J’ai fait un DEC, un baccalauréat et une maîtrise en soins infirmiers, je me suis spécialisée en périnatalité. J’ai travaillé toute ma vie avec des femmes, mais on ne nous a pas mis au fait de cette souffrance des femmes en ménopause. Comme si ça devait juste être un passage obligé», résume-t-elle.Face à ces révélations, la spécialiste a poussé plus loin ses recherches et sa soif de savoir. Elle est également allée suivre des formations, notamment avec Dre Sylvie Demers, dont l’expertise en hormones bio-identiques est reconnue partout en province, et qui a aussi participé au documentaire Loto-Méno et au reportage d’Enquête.Véronique Larouche a aussi pu s’adjoindre l’aide du docteur Jean-Philippe Blais, médecin généraliste spécialisé en périnatalité, qui a accepté de devenir médecin-collaborateur chez E_liv. Ensemble, depuis le mois de janvier, ils tentent du mieux possible d’aider les femmes qui crient à l’aide depuis plusieurs années, mais que visiblement une partie du corps médical n’entend pas.
Pourquoi leurs appels demeurent sans réponse? Il faut remonter à 2002 pour le comprendre, avec la publication d’une vaste étude de la Women’s Health Initiative (WHI), qui a conclu à un risque accru de développer le cancer du sein avec l’hormonothérapie. L’étude WHI avait fait grand bruit à l’époque, et le milieu médical est devenu très frileux face à l’hormonothérapie. Si bien que la question a même été éludée des formations médicales.
«J’ai débuté ma médecine en 2004, et jamais on ne nous a exposés à ça. Il y a un grand manque dans la formation présentement, et on sent encore que l’étude WHI a des effets, même 20 ans après», constate le Dr Blais.
J’ai débuté ma médecine en 2005, et jamais on ne nous a exposés à ça. Il y a un grand manque dans la formation présentement, et on sent encore que l’étude WHI a des effets, même 20 ans après.
Or, des femmes en ménopause et périménopause continuent de souffrir de divers symptômes : sautes d’humeurs importantes, douleurs, perte de la libido, sécheresse vaginale, irritabilité, troubles du sommeil, pertes de mémoire, anxiété, état dépressif, et j’en passe.
«Les femmes qui arrivent ici, elles crient littéralement à l’aide. Elles veulent des réponses et n’arrivent pas à en avoir parce que les spécialistes qu’elles ont vus n’ont soit pas voulu prendre la demande en charge, ou encore ont prescrit des hormones mais sans en faire le suivi. Il y a quelque chose de tabou, on dirait», constate Véronique Larouche.
La clinique commence de plus en plus à se faire connaître, si bien que ces jours-ci, ce sont de 15 à 20 demandes par jour qui entrent chez E_liv. Les plages horaires sont toutes comblées jusqu’à la fin du mois de juillet. Cette semaine, des femmes de Lebel-sur-Quévillon et Rouyn-Noranda ont fait la route jusqu’à Trois-Rivières pour venir profiter du service de la clinique.
Car contrairement aux cliniques entièrement privées, E_liv propose une autre forme de fonctionnement. Le travail initial et la prise en charge de la patiente se feront par l’infirmière. En téléconsultation, c’est elle qui entendra d’abord la détresse de la patiente, pour ensuite faire la collecte de données et l’évaluation clinique des symptômes. Ensuite, elle en discutera avec le médecin collaborateur, qui donnera la conduite pour la suite des choses, soit la tenue d’un calendrier des symptômes et de bilans hormonaux. Lorsque les résultats sont reçus, juste à ce moment-là, la patiente sera vue par le médecin en consultation couverte par la RAMQ. Au besoin, c’est à ce moment qu’il pourra prescrire le traitement approprié.
«C’est une pleine utilisation du champ de pratique de l’infirmière. Ça devrait toujours être comme ça dans le milieu médical, c’est ce qu’on revendique depuis tellement d’années. Ça rend le travail encore plus efficient, sans pour autant élever les coûts pour la patiente. Le but, c’est de soulager les femmes avant tout. C’est ça qui nous motive en premier lieu», considère Véronique Larouche.
«Les femmes qui contactent E_liv, elles ne veulent pas systématiquement qu’on leur prescrive des hormones. Ce qu’elles veulent, c’est être entendues, écoutées et de pouvoir obtenir des réponses. Si elles n’ont pas de réponse, c’est là qu’il y a de la détresse. Il arrive bien souvent que les bilans hormonaux nous démontrent que ce n’est pas d’hormones dont elles ont besoin, et c’est correct. Au moins elles en ont le coeur net», constate Jean-Philippe Blais.
Ce dernier est d’ailleurs convaincu qu’avec la diffusion de Loto-Méno et du reportage d’Enquête, c’est une véritable boîte de Pandore qui a été ouverte et qu’on ne pourra plus refermer aussi facilement. Et c’est tant mieux pour les femmes qui ont enfin l’impression d’être entendues.
«Pendant longtemps, on a traité ces femmes-là avec des antidépresseurs, des antipsychotiques et des somnifères, avec tous les coûts que ça engendre pour la société. On a écarté la question des hormones en raison de l’étude WHI et de la crainte du cancer du sein. Mais ça, c’est l’éléphant dans la pièce, parce qu’on a aussi écarté tous les bienfaits associés aux hormones», considère Jean-Philippe Blais.
Si les résultats de l’étude WHI démontrent une hausse des cas de cancer du sein de 0,8 cas de plus par 1000 femmes avec la prise d’hormones, on semble avoir écarté le fait qu’elles ont aussi permis la réduction de 30 % du taux de mortalité pour cause de maladies cardiovasculaires chez les femmes, note en exemple le Dr Blais.
«On ne peut pas continuer de traiter ces symptômes à coup d’antidépresseurs, alors que les femmes arrivent dans une période pleine de potentiel de leur vie, où elles sont encore très actives, où elles devraient pouvoir s’épanouir. Est-ce qu’on veut les éteindre? Ou est-ce qu’on préfère qu’elles soient heureuses», se questionne Véronique Larouche.
Pour les deux spécialistes, la RAMQ n’aura probablement bientôt plus le choix que de considérer le remboursement des hormones bio-identiques, qui sont les plus sécuritaires pour cette clientèle. «C’est déjà gratuit pour les hommes, pourquoi ce ne le serait pas pour les femmes? On couvre les frais liés au traitement du diabète, pourquoi on ne pourrait pas couvrir ceux liés aux hormones bio-identiques? À mon avis, ils n’auront pas le choix parce que les femmes n’accepteront plus de ne pas être entendues», affirme Jean-Philippe Blais.
D’ailleurs, Véronique Larouche souhaite aussi qu’on démystifie les coûts liés à un tel traitement, qui peut aller de 75 $ à 100 $ par mois. Parfois l’équivalent de ce qu’on peut payer en franchise pour les antidépresseurs, constate Dr Blais. «Ce ne sont pas des coûts astronomiques. Mais pour certaines femmes, c’est un montant qui a un énorme impact sur leur budget», constate Véronique Larouche.
Outre le suivi des patientes, les collaborateurs souhaitent prochainement se consacrer à la formation et la rédaction d’articles scientifiques permettant une plus grande diffusion du savoir entourant les hormones bio-identiques. Dans un monde idéal, E_liv souhaite étendre ses activités en s’adjoignant les services d’autres collaborateurs, pour créer une véritable communauté de soins et permettre à encore plus de femmes d’être prises en charge.
«Ce qu’on construit en ce moment, on le fait pour le bien des femmes. C’est extrêmement gratifiant», confie Véronique Larouche.